Maman au BDR

Au BDR est une expression que nous utilisons avec une copine du bureau quand nous avons les roubignoles qui nous remontent au niveau du cou.

« T’es au bout du rouleau?
« Ouais, je vais faire un meurtre »
« Moi aussi, viens, on se serre les coudes »

Et nous voilà réparties pour supporter gaiement Mr misogyne, Madame je sais tout, Miss je pète plus haut que mon cul, Monsieur qui s’adresse uniquement à mes seins quand il me parle.
Ça c’est au bureau.
A la maison, je suis la plupart du temps au BDR en ce moment.
L’ado sévit encore, plus que jamais.
Cela faisait longtemps que je ne vous parlais pas de lui alors vous vous disiez, ça y est, ils se font des snapchats en sous-vêtements ensemble, ils mangent McDo devant Pretty Little Liars et cultivent le no douche en famille.
Que nenni mes amis.
On m’avait prévenue que ce n’était que le début.
D’accord, d’accord (prendre l’accent de Francis Cabrel).
Mais on ne m’a pas vraiment dit sciemment quand intervenait la date de fin de l’adolescence.

Alors je me méfie, je me dis qu’il n’y en a peut-être pas.

Si c’est vraiment un contrat à durée indéterminée, je ne suis pas sûre de pouvoir l’honorer jusqu’à la fin.

Voyez-vous, j’envisage même une rupture conventionnelle, parce que vraiment, là, à l’instant présent où je vous me confie à vous, je suis au BDR.

Il n’y a pas un seul jour où un incident, non des moindres se produise.

D’abord, sachez, que tout dialogue est impossible avec l’ado.

Ne vous attendez pas à ce qu’il aille plus loin que le hochement de tête, le oui, enfin non, c’est plutôt le NON son mot de prédilection…ou plutôt un grognement préhistorique.

Dans la catégorie préhistoire, nous pouvons classer également son hygiène et son savoir-vivre.

Toute tentative de creuser un peu un sujet se solde en échec, en crise de larmes, en provocation.

L’ado finit par me clamer en vibrato qu’il me déteste.

Je serai donc la pire maman du monde.

Croyez-moi, j’ai le sens de l’humour, suis souvent taxée de rigolote, mais là, à moins que ce soit du 27èmedegré, ça ne me fait pas rire.

DU TOUT.

Je peux même vous confesser que ça fait mal, surtout après tout ce que j’essaie de faire pour que cela se passe bien.

Rien n’est jamais suffisant.

Tous les sujets sont une excellente thèse de conflit, voire de doctorat.

Les repas sont infectes, il n’a pas assez de baskets de marque, son iPhone, son manque de travail au collège, son trop grand intérêt pour des séries décérébrées, son manque d’intérêt en général pour quoi que ce soit, son arrogance et son insolence légendaires.

Ce sont des traits de comportement que l’on retrouve chez la plupart des adolescents de nos jours paraît-il.

Ce n’est pas pour cela que le quotidien est plus facile à vivre, en discutant avec les autres parents, on se dit  » ça me rassure » mais en fait ça ne rassure fichtrement personne.

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Parfois j’aimerai avoir de nouveau un bébé pour retrouver cette innocence et cet amour à toute épreuve, ce parfum de douceurs.

Recevoir des câlins et des  » Maman je t’aime » gratuits, sans que ce soit en échange d’une compensation consumériste.

J’aimerai surtout lui faire comprendre que je voudrai qu’il devienne quelqu’un de bien.

Plus que tout je souhaiterais qu’il se trouve, qu’il enfile enfin les bonnes chaussures à ses pieds et qu’il se sente bien dedans.

C’est terrible pour les parents de voir son enfant qui n’a envie de rien, ne semble aimer personne de son entourage alors qu’il vénère la moitié de la planète Instagram.

C’est comme si nous vivions dans deux mondes différents, dans lesquels l’ordre des priorités était totalement inversé.

Je voudrais qu’il devienne quelqu’un de bien, qu’il s’aime tout court.

Selon un psy vu à la télé l’autre jour, c’est normal, le cerveau d’un ado n’est pas tout à fait câblé.

A nous de les aider.

Mais comment faire quand vous essayez de vous connecter et il ne vous capte pas, vous avez beau relancer le routeur, l’adresse IP est incompatible, vous n’obtenez que des messages d’erreur.

Evidemment, il n’est pas bien dans sa peau, c’est une période bouleversante pour eux.

Il évoque dans ses cris de désespoir des mots que je ne peux que taire, trop douloureux de les prononcer pour une mère.

Parce que si l’enfant-adolescent a besoin d’amour qu’il rejette pourtant, une maman n’est pas préparée pour se faire rejetée par son enfant.

Cet enfant qui lui glisse entre les doigts.

Il me confesse que des idées noires le guette parfois, qu’il ne comprend pas le sens de la vie, que de toute façon l’amour n’existe pas.

Le regard vague, triste, assis en tailleurs sur son lit, je le trouve parfois.

Et je me sens démunie, entre cris, larmes et silences, moi essayant de parler, lui faisant tout pour ne pas m’écouter.

Parce que selon lui, je ne peux pas le comprendre.

Alors que moi, je n’ai envie que de l’entendre,

Me murmurer tout bas,

Que oui maman, ne t’inquiète pas, ça va.

Une maman au BDR


16 réflexions sur “Maman au BDR

  1. C’est triste et en même temps, c’est beau.Et plein d’amour.
    Et ça ne me donne plus envie d’accoucher rapidement ( reste encore une vingtaine d’année, bébé , tkt on va gérer le baleineau!)

    Plus sérieusement, des collégiens, j’en vois plein. C’est un peu mon job. Et c’est vrai qu’il y en a certains qui nous rendent chèvre. Et nous, on se dit, « C’est le collège » et ça nous rassure presque. Pour d’autres, on sait que ce n’est pas que le collège et on se sent con..mais ce n’est pas notre enfant, alors on s’inquiète mais on n’a pas mal.

    En vrai, on ne sait pas toujours comment ils sont à la maison, ni s’ils vont bien alors on ne les comprend pas toujours, nos réactions ne sont pas toujours appropriées ( ce qui me vaut des « prof de merde ») … et en vrai, j’ai de la peine. Parce que parfois, c’est moi qui suis BDR quand j’ai envie qu’ils se bougent ces petits morveux pour leur vie à eux plutôt qu’un snap, et qu’on est bien démuni face à ses énergumènes. ( je leur fais mon laïus de prof et si vraiment je suis au fond, j’ai des larmes au fond des yeux, mais je me cache derrière mon bureau)

    Je me dis, être parent d’ado…c’est un sacré boulot. Bien du courage à toi.

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    1. Hello ! Ah oui donc tu supportes nos petites pestes quoi ! Tu sais que je pense souvent aux profs de nos enfants en me disant que ça ne doit vraiment pas être évident, surtout quand j’entends mon fils raconter certaines scènes qui se passent en cours…et je comprends vraiment que tu sois au BDR, perso, je ne sais pas si je serais capable de supporter 30 pestes pareilles ! Pour revenir à mon billet, c’est vrai que c’est un peu un cri de désespoir, j’ai l’impression d’être Popeye, je rame, je rame et je me prends des râteaux! Mais c’est mon fils et je ne peux pas lâcher ! Tu as encore le temps de voir venir et j’espère que quand ton enfant sera ado, la société aura quelque peu changer car il ne faut pas le nier, beaucoup de choses contribuent à cet isolement (je pense notamment aux réseaux sociaux qui les désociabilisent plus qu’autre chose).J’éspère que ta fin de grossesse se passe bien (surtout reposes toi bien, prends soin de toi et ne te mets pas la pression hein). Merci pour ton gentil message et à bientôt, Cristina

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  2. le cri d’une maman BDR c’est bien le cri d’une maman qui deborde d’amour….qui cherche à construire un pont entre son monde à lui et son monde à elle…
    je lis dans tes mots qu’un cri d’amour…
    combien de fois je leur dis « je t’aime bordel de merde mais j’aimerai te le dire dans les yeux plutôt que de passé par sms ! » …
    cet âge pas facile nous fait saigner le coeur bien souvent….on cherche une clé, un décodeur…on attend , on espère…on guette…
    et quand on nous dit qu’ils ont besoin de nous envoyer chier pour se construire, t’as juste envie d’exploser la tête de celui qui te dit ça parce que facile à dire quand son môme n’a que 6 mois…
    ils nous remettent en cause, en question, nous font culpabiliser…et parfois on voudrait prendre le large…..
    je peux pas te donner de date de fin sur cette foutu periode….j’peux juste te dire « courage »….ne doute jamais de toi….vide ton sac quand t’en a besoin ici ou ailleurs…et si t’arrive a lui glisser des p’tits mots parfois même s’il te soule, même s’il te gonfle, même s’il t’ennerve….glisse lui en post-it ou en sms des p’tits « je t’aime »comme ça gratuitement, sans forcement attendre un truc en retour…ça parait con, mais j’ai essayé …et ça marche et parfois j’ai même droit à un sourire……

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    1. Oh merci beaucoup pour ce gentil message de soutien ! Je trouve vraiment sympa de prendre le temps de laisser un message alors que nous courons après les minutes ! Et oui bien sûr s’il n’y avait pas d’amour, cela ne me peinerait pas temps et ne m’empêcherait pas aussi souvent de dormi 😦 Mais il ne le comprend pas, il s’en contrefiche en fait, parfois j’ai l’impression qu’il a vraiment envie de me faire mal …Moi aussi, quand les choses s’apaisent un peu, je lui glisse un je t’aime qui reste sans retour mais je sens que ça lui fait du bien…puis lendemain, on recommence tout à zéro ! Bise et bon we , Cristina

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      1. oulà oui je sais combien c’est pas facile…épuisant…pas simple tout les jours, comme s’ils avaient des oeillères face à notre amour…combien de larmes ravalons nous tous les jours? s’ils le savaient seulement….pfiouuuuuuuuu ….
        courage, tiens le coup…et bon week end a toi aussi

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  3. Une étape qui commence de plus en plus jeune et qu’il ne me tarde pas de vivre. J’imagine que c’est épuisant et angoissant en même temps. Savoir et voir son enfant mal à l’aise, mal en soi, perdu et en même temps réfractaire à toute forme de dialogue et d’aide, ça doit être terrible à vivre Cristina. Je pense fort à toi et t’envoie plein de pensées positives.

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    1. Merci ma chère Marie, on en reparlera 😉 Chaque situation est particulière et différente, chaque famille a son histoire. Je pense qu’il m’en veut vraiment beaucoup de part notre histoire douloureuse et que cela n’aide pas à sa construction…E attendant, profite bien de ton petit escargot, ces moments sont si précieux,je les regrette tellement. Je t’embrasse, passe un bon we ! Cristina

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  4. C’est une étape que je redoute. S’ils pouvaient être toujours comme vers 3 – 7/8 ans, ce serait le pied !

    Je ne sais que te dire Cristina. On sent beaucoup d’amour pour lui dans tes mots … Ce qui est terrible c’est qu’ils croient qu’on ne peut les comprendre alors qu’on a nous aussi vécu cette p*** d’adolescence et qu’on sait ce que c’est !

    Je t’embrasse fort et t’envoie plein de soleil et de douceur ❤ ❤ ❤

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    1. Hello ma Catwoman préférée ! Ah comme tu le dis, si seulement ils pouvaient rester sans cette phase…son petit frère qui va bientôt avoir 7 ans (bien que déjà très filou et manipulateur) me fait encore énormément de câlins, me dit je t’aime et je sais que c’est sincère ! On a beau avoir été ados nus mêmes, dur de faire face à cette phase, surtout dans la société dans laquelle nous vivons…Cela me donne encore plus envie de quitter la région parisienne car je trouve que cela rend les choses encore plus difficiles. Merci pour ton gentil message, je t’embrasse (P-S: j’ai lu ton message sur l’école de tes enfants, mais c’est terrible cette histoire???). Bon we quand même 🙂

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      1. Profite bien du petit et prends ton mal en patience avec le grand. Ça finira bien par se calmer 🙂

        Pour l’école de ma fille, oui, c’est terrible. On se remet doucement, elle a repris aujourd’hui. Merci pour ton mot ❤

        Passe une bonne semaine.

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  5. Courage.
    Je suis moi aussi souvent cette maman au BDR, cherchant encore et toujours à savoir quand ma jeune adulte va enfin se sentir bien dans ses baskets…
    Et purée… que c’est épuisant, surtout moralement…
    Mais j’essaie de garder en mémoire tous ces bons moments du temps d’avant… et tous ces petits moments de grâce grappillés au temps de maintenant.
    Mais ce n’est pas toujours facile.
    Bises.

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  6. Bonjour Val, merci pour ton message ! C’est exactement ça, c’est un épuisement moral terrible, alors que tu luttes sans cesse et que tu fais ton max, tu as l’impression que ça ne paie jamais ! Justement parce que c’est moments sont vraiment surs, je profite doublement de son petit frère qui ne me voit pas encore comme une ennemie ! Bises à toi aussi, bon courage et bon we! Cristina

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