Le récit bouleversant d’Antoine Leiris, « Vous n’aurez pas ma haine »

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« Melvil ne pourra pas passer ces pages de sa vie comme elle passait les pages de l’histoire. Je n’ai pas de baguette magique.Notre coccinelle s’est posée sur le nez de la sorcière, elle avait une Kalachnikov en bandoulière et la mort au bout du doigt »

Peut-être que le nom d’Antoine Leiris ne vous dit rien au premier abord.

Ses mots, si vous les avez lus, n’ont par contre pas pu vous laissez indifférents.

Antoine Leiris est journaliste, ancien chroniqueur culturel à France Info ou encore à France Bleu.

Antoine Leiris est papa du petit Melvil qui va bientôt avoir deux ans aujourd’hui.

Antoine Leiris est le mari d’Hélène Muyal-Leiris.

Ce nom ne vous dira peut-être rien non plus.

Pourtant pour eux, elle était tout, elle était « l’astre auquel ils ont prêté allégeance ».

Hélène Muyal-Leiris est aujourd’hui une étoile qui a rejoint trop tôt le ciel, victime de la barbarie de ces êtres animés pas la folie qui ont sévi le 13 novembre au Bataclan.

« Vous n’aurez pas ma haine » est la lettre qu’Antoine Leiris a écrite le lendemain des attentats, comme un message d’apaisement à l’encontre de ce sentiment grandissant de haine qui soufflait sur notre pays.

Bouleversante de courage et d’espoir, cette lettre d’amour est venue nous dire à tous que nous ne devions pas succomber à cette frénésie meurtrière qui nous habitait, ce besoin de vengeance face à une incompréhension ahurissante.

Nous, qui n’avions pas été touchés directement, mais qui étions inévitablement meurtris et qui avions grande peine à sortir de cette torpeur engourdissante.

Ce papa et ce mari abîmé par la douleur et la peine, nous livrent aujourd’hui un récit et un témoignage bouleversants, poignants, de ce qu’est devenue sa vie après ce 13 novembre, qui marquera notre histoire à tout jamais.

De l’annonce de la mort de sa bien-aimée, celle de qui il était tombé éperdument amoureux il y a douze ans, à l’annonce de cette trop injuste fatalité à ce petit garçon de 17 mois, ce petit garçon à qui sa maman ne racontera plus jamais l’histoire de la coccinelle, Antoine Leiris prend sa plume pour partager avec nous ce qui sera désormais son quotidien sans elle, sa lune et sa lumière, son équilibre, « sa dame aux airs de majesté ».

Regarder avec leur fils des photos d’elle sur le portable, écouter ensemble les chansons qu’elle avait soigneusement choisies pour apaiser Melvil, accepter la générosité des mamans de la crèche qui essaient d’adoucir leur quotidien avec leurs compotes maison, choisir les vêtements qui lui ressemblent pour ses funérailles, s’attendre à ce qu’elle revienne, apaiser sa douleur, survivre, continuer à vivre.

Ecrire une émouvante lettre de la part de Melvil à sa maman, exorciser cette suffocante souffrance, prendre le petit garçon par la main et aller au cimetière de Montmartre sur la tombe d’Hélène avec une photo d’elle, tenir debout, avancer, essayer de comprendre pourquoi la vie reprend son cours dehors, alors que tout est sur pause dans la leur.

Autant de moments tristes et difficiles, indispensables à la poursuite de leur chemin, chemin qu’elle a quitté trop tôt, sans aucun préavis.

Cette lecture n’était pas pour moi un exercice de voyeurisme ou de curiosité mal placée.

Moi qui encore aujourd’hui sursaute encore trop souvent dans le métro parisien ou dans les couloirs bondés de la gare Saint-Lazare, j’avais besoin de comprendre comment on peut ne pas être habité par un sentiment de haine lorsque l’on nous vole l’être aimé dans de si tragiques circonstances.

Antoine nous donne une leçon.

Il sait que ce livre ne le soignera pas.

« On ne se soigne pas de la mort. On se contente de l’apprivoiser. L’animal est sauvage, ses crocs sont acérés. J’essaie juste de construire une cage pour l’enfermer ».

Pour Antoine, les circonstances de la mort d’Hélène n’ont pas une si grande importance.

Elle aurait pu avoir un accident de voiture, être victime d’un crash d’avion ou encore d’une maladie.

Le résultat et les conséquences seraient les mêmes : elle ne ferait plus partie de leur vie et ils se doivent de continuer la leur, tous les deux en réalité mais toujours à trois pour l’éternité.

Car elle sera toujours là.

Ce n’est pas pour autant qu’il pardonne ou qu’il oublie.

Vous ne lirez et ne verrez dans ce récit aucun propos haineux, rancunier, violent ou malveillant.

Juste des mots censés apaiser des maux, un traité de paix, un pansement, une trêve.

J’ai été évidemment bouleversée par cette histoire qui n’est malheureusement pas un roman, c’est l’histoire d’un destin, d’une mort, d’une vie.

Mon adolescent m’a volé le livre des mains aussitôt après que je l’ai refermé et essuyé mes larmes.

Lui aussi a besoin de comprendre, pardon et compréhension sont des termes qu’il n’arrive pas encore à entendre.

Antoine Leiris ne sait pas ce que sera demain.

La seule chose qu’il affirme avec certitude :

« Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées du monde…Il a dix-sept mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus ».

Et pour cela je lui dis Bravo.

Hélène Muyal-Leiris, 35 ans, avec son fils Melvi
Hélène Muyal-Leiris, 35 ans, avec son fils Melvil


19 réflexions sur “Le récit bouleversant d’Antoine Leiris, « Vous n’aurez pas ma haine »

    1. Oui,il est vrai que cela n’est pas le livre le plus joyeux que j’ai lu mais il est très bien écrit, avec retenue et pudeur, rien qui n’incite à la pitié ou autre sentiment semblable. Un récit authentique. Malheureusement. A bientôt StepHh !

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      1. Oui… Je demandais car je sais qu’a un moment pendant la mienne les debats sur l’actualité / des livres dans ce genre étaient les seuls « vraies » conversations (meme si c’était pour traiter tout le monde de vieux encroutes…) Bon courage alors!

        Aimé par 1 personne

    1. Hello trotinetteuse à talons !! Et bien nous n’en avons pas encore beaucoup parlé car il est phase négative (où il ne faut pas lui adresser la parole-vive les ados).Mais je l’ai vu très emballé par les premières pages, comme si il cherchait vraiment des réponses).Je te dirai 😉 Bises

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  1. Déjà j’ai les larmes aux yeux en lisant ton article, alors je n’imagine pas ce que ce sera quand je lirais le livre. Parce que je vais le lire, c’est certain.
    J’avais écouté Antoine Leiris sur la Grande Librairie à la sortie du livre. Ca secoue mais je trouve ça tellement beau, de ne pas laisser la haine prendre le pas sur le chagrin, aussi terrible soit il.
    C’est un bel acte de courage et d’amour.
    Merci ma belle et grosses bises
    Marie

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    1. J’ai appuyé trop vite … En fait , il décrit cette terrible histoire, sa terrible histoire, avec beaucoup de pudeur et avec des mots si justes… Il ne fait pas en sorte que nous ayons pitié par exemple, il ne s’apitoie par sur son sort, il décrit vraiment les faits et son ressenti. Mais il est évidemment inévitable de ne pas se sentir touché et d’essayer de se mettre à sa place. Son attitude est très noble, vraiment. Bonne soirée et à bientôt j’espère. Grosses bises.

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    1. Bonjour Estelle, moi aussi j’avais cette appréhension. Mais comme je disais un peu plus haut, Antoine Leiris n’écrit pas de façon à ce que nous nous apitoyions sur son sort, certes son récit est triste (Malheureusement c’est ce qui s’est passé et se passe) mais son message est malgré tout positif. Bonne journée et merci pour ton message.

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