Le roman qui m’a dévorée : « Danser au bord de l’abîme », de Grégoire DELACOURT

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Il y a quelques jours de cela, sur la ligne 7, station Opéra, je tournais la page 364 qui marquait la fin du dernier roman de Grégoire Delacourt « Danser au bord de l’abîme », yeux de panda et goutte au nez (oui, encore).

J’ai dévoré ce livre ou plutôt devrai-je dire que ce livre m’a dévorée.

Impossible de ne pas établir un lien avec son vécu, ses ressentis, ses douleurs, ses peurs, ses propres abîmes.

On ne ressort pas indemne de ce livre.

Un élément vous surprend d’entrée de jeu, le parallèle avec « La Chèvre de Monsieur Seguin », nouvelle à travers laquelle Alphonse Daudet, tente d’alerter son ami poète Pierre Gringoire sur les dangers d’une trop grande soif de liberté:

 « Tu verras ce que l’on gagne à vouloir être libre ».

Ce parallèle deviendra d’ailleurs le fil conducteur de ce roman « virtuose » dont l’on devine au fil des pages, la part d’autobiographie.

Cette question me taraude encore aujourd’hui : serai-je capable de tout quitter, pour un inconnu, aperçu une fois, en abandonnant tout ce que j’ai aimé, tout ce que j’ai construit, au risque de tout balayer sur mon passage et de créer un véritable tsunami autour de moi?

J’aime à croire que non.

Serai-je capable de lâcher tout et tous pour succomber à mon désir ?

Est-ce que cela pourrait m’arriver, à moi ? Est-ce que cela pourrait vous arriver, à vous ?

C’est très déstabilisant de s’interroger sur la puissance du désir et, par conséquent, de notre fragilité.

Si vous ne le savez pas déjà, Grégoire Delacourt parle très bien des femmes, il semble avoir fouillé le moindre recoin de nos pensées, ce qui est également très troublant.

C’est d’ailleurs la plume d’une femme que l’on lit, sans équivoque.

Emma, protagoniste du roman, nous livre au travers de ses flash-backs, sa quête de liberté, l’écoute de son désir absolu.

Emma vit jusqu’ici une existence paisible, une belle maison, un mari avec une bonne situation, 3 enfants, what else ?

Mais il lui manque le principal, Georges : l’amour brûlant, celui qui met le feu à vos entrailles, celui qui possède votre âme et vos pensées, la folie qui peut tout faire basculer, celle là même qui vous fait sauter sans parachute:

« Je me vidais de moi-même. Je m’essoufflais à ne pas m’envoler. Je pâlissais, et Olivier parfois s’inquiétait – il parlait alors de quelques jours ailleurs, l’Espagne, l’Italie, les lacs, comme si leur profondeur allait engloutir ma mélancolie. Mais nous ne partions pas, parce qu’il y avait les enfants, parce qu’il y avait la concession, et parce que j’avais fini par mettre toutes mes frustrations dans ma poche, un mouchoir par-dessus, comme me l’avait enseigné ma mère. »

Puis, un jour, à la brasserie André, située dans le vieux Lille, Emma va accepter le regard nouveau d’un inconnu sur elle, va se laisser troubler par une serviette blanche qui essuie délicatement une bouche d’homme, celle d’Alexandre.

Alors qu’ils n’ont pas échangé un seul mot, cette femme mariée et mère de 3 enfants, va succomber au séisme provoqué par ce désir brûlant qui l’habitera désormais chaque jour.

Folle amoureuse, Emma se trouve belle, se surprend à danser dans la rue, Emma fond littéralement de passion.
Alors, je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase de Paolo COELHO :

« Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle ».

Est-ce que vous n’avez pas l’impression, vous, parfois que la routine grignote doucement et cruellement votre existence ?

Si ce livre m’a dévorée, je ne saurai vous dire avec certitude si je l’ai aimé.

Le sentiment qui m’a habitée à la fin de la lecture a été indéniablement la tristesse.

Et pourtant, l’écriture du grand maître des mots et des émotions Grégoire DELACOURT est belle, incisive, élégante, délicate, lui qui parle si bien de nous, les femmes.

L’intrigue qui se suit après cette fatale rencontre à la brasserie est des plus inattendues et ne peut en aucun cas être découverte d’un seul centimètre.

Une véritable gifle m’a été infligée à la fin du premier chapitre, de celles qui marquent votre joue d’un rouge écarlate pendant de longues minutes, qui m’a presque laissée fébrile.

Les larmes m’ont sacrément secouée, appelez moi pleurnicheuse si vous le voulez, je vous mets au défi de ne pas être bouleversé si vous entreprenez de danser au bord de l’abîme avec Emma.

C’est un roman sur l’amour, évidemment, mais surtout sur la fragilité de nos existences, les choix de vie que l’on décide de faire ou ne pas faire, leurs conséquences, notre soif de liberté, la puissance du désir, mais aussi sur la maladie et la mort.

La mélodie du sublime opéra « Madame Butterfly » accompagnera avec grande mélancolie certains passages du livre.

Alors, depuis, je ne laisse plus aucun homme croiser mon regard et je ne rentre plus dans les brasseries.

Je vous laisse avec un extrait du roman, qui est le seul message que je souhaite conserver de cette lecture chargée d’émotions :

« Le présent est la seule certitude, la seule île possible dans le vide.
C’est là que nous devons tous vivre. » Signature

P-S : Ne t’inquiète pas. Je déteste les brasseries.


3 réflexions sur “Le roman qui m’a dévorée : « Danser au bord de l’abîme », de Grégoire DELACOURT

  1. Je me suis souvent posé la question Cristina – nul n’est à l’abri de remettre en question toute sa vie sur un simple regard croisé…
    Tu m’as donné envie de lire ce livre, dont je ne cesse de voir la couverture fleurir ici et là, comme un appel.
    Mille merci et belle journée à toi.

    Aimé par 1 personne

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